La symbolique, pas plus que les croyances populaires, ne font de différence entre le lièvre et le lapin. Pour certaines civilisations anciennes, le lièvre était un « animal de la lune » car les taches sombres que l’on peut voir sur le disque lunaire ressemblent à un lièvre en pleine course.

Encyclopédie des symboles (sous la direction de Michel Cazenave, La Pochothèque,1996)


auteur-éditeur : www.remy-leboissetier.fr

samedi 11 décembre 2010

Le lièvre et les grenouilles

    Pas si gaillard, l’animal ! Qui s’en étonnerait ? Depuis la nuit des temps, je suis sur le qui-vive, on en veut à ma fourrure autant qu’à ma chair ! De mémoire de lapin ou de lièvre, l’expérience impose une infinie prudence. Le fabuliste me désigne comme un animal peureux, mais ajoute "en bonne foi que les hommes ont peur comme moi". Certes, je suis craintif à force de méfiance, mais je sais me montrer plein de vaillance, face à la meute, et dérouter mes prédateurs de façon ingénieuse.


 
LE LIEVRE ET LES GRENOUILLES

Un Lièvre en son gîte songeait
(Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe ?) ;
Dans un profond ennui ce Lièvre se plongeait :
Cet animal est triste, et la crainte le ronge.
"Les gens de naturel peureux
Sont, disait-il, bien malheureux.
Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite ;
Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers.
 
Voilà comme je vis : cette crainte maudite
M'empêche de dormir, sinon les yeux ouverts.


Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.
Et la peur se corrige-t-elle ?
Je crois même qu'en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi."
Ainsi raisonnait notre Lièvre,
Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet :
Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la fièvre.

Le mélancolique animal,
En rêvant à cette matière,
Entend un léger bruit : ce lui fut un signal
Pour s'enfuir devers sa tanière.
Il s'en alla passer sur le bord d'un étang.
Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ;
Grenouilles de rentrer en leurs grottes profondes.
"Oh! dit-il, j'en fais faire autant
Qu'on m'en fait faire ! Ma présence
Effraie aussi les gens ! je mets l'alarme au camp !

Et d'où me vient cette vaillance ?
Comment ? Des animaux qui tremblent devant moi !
Je suis donc un foudre de guerre !
Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre
Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi."
 
Jean de La Fontaine
(1621-1695)
illustration de Gustave Doré


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